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LALITA VISTARA. — CHAPITRE XVII

prendre qu’un seul grain de riz et pas un second. Religieux, si vous pensez que le grain de riz de ce temps-là était plus gros, ce n’est certes pas ainsi qu’il faut voir. Le grain de riz de ce temps-là était le même qu’à présent. Religieux, de moi qui ne mangeais qu’un seul grain de riz, le corps fut bientôt comme il a été dit jusqu’à présent : Ah ! vraiment, le Çramana Gâutama a la couleur du poisson Madgoura. Cette belle et délicate couleur qu’il avait autrefois a disparu. Voilà ce qu’on disait.

Religieux, ceci me vint à la pensée : Il faut que je m’applique dans une (encore) plus forte mesure à prendre peu de nourriture. Et je reconnais qu’il ne faut prendre qu’un seul grain de sésame et pas un second, etc., comme précédemment, jusqu’à : et cette couleur belle et délicate disparut.

Religieux, ceci me vint à la pensée : Il y a des Çramanas et des Brahmanes qui croient que ne pas prendre de nourriture, c’est la pureté. En tout et partout, il faut que je m’applique à ne pas prendre de nourriture. Et alors, Religieux, de moi qui ne prenais pas de nourriture, le corps devint excessivement sec, maigre et sans force. Ainsi, par exemple, mes membres et leurs parties devinrent deux fuis ou trois fois, quatre fois, cinq fois, dix fois plus maigres que les nœuds delà plante Asitakî ou les nœuds delà plante Kâlika. Les cotes devinrent comme celles du crabe, comme les solives du toit de l’écurie des bêtes de somme ; mon épine dorsale devint comme le tissu d’une tresse, le crâne de ma tête comme une gourde, les prunelles de mes yeux comme des étoiles (réfléchies au fond) d’un puits. Et, Religieux, quand je me dis : Il est bon que je me lève et que je secouai mes membres, courbé, je tombe renversé. Puis, relevé avec peine, de moi qui me frottais les membres, les poils dont la racine était corrompue se détachèrent. Et la couleur belle, délicate et brillante qui était la mienne, elle aussi disparut, et cela par l’effet du rude abandon de moi-même qui me dominait. Et les gens qui demeuraient dans le village voisin du lieu où j’étais pensaient : Ah ! vraiment, il est noir, le Çramana Gâutama ! Ah ! vraiment, il est bleuâtre le Çramana Gâutama ! Ah ! vraiment, il a la couleur du poisson Madgoura, le Çramana Gâutama !

Et le roi Çouddhodana envoyait alors chaque jour un messager auprès du Bôdhisattva.