Page:Annuaire encyclopédique, IX.djvu/609

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

(1209)

POLIT

(1210)

mais presque infailliblement vaines. Passons rapidement en revue ces divers voyages : M. Sidorof, marchand russe, désireux d’écouler son blé, a frété un petit bâtiment à vapeur et a poussé hardiment de flammerfest à l’embouchure de l’Obi ; — M. Carlsen, à bord du Solide, bâtiment à voiles, parti du même point, s’est également rendu par la mer jusqu’en Sibérie (à la mer de Kara). Que conclure ? Qu’avant peu on établira du nord de laScandinavie aux côtes septentrionales du monde russe une ligne régulière de bateaux à vapeur.

Ajoutons que le docteur Hayes, ce pionnier maître des régions polaires, médite un nouveau voyage, et souvenons-nous que les Américains, en dépit des efforts des Européens, demeurent encore les premiers en lutte dans ces campagnes arctiques. Quant à la France, quel rôle joue-t-elle ? Elle suit d’un œil distrait ces grands voyages ; elle se réjouit doucement de cette belle émulation de voyageurs, et les taxe volontiers de fous glorieux ; — elle ira même jusqu’à proclamer Gustave Lambert un homme des plus intrépides, : mais son élan s’arrêtera là ; C’est assez pour elle d’applaudir, d’encourager moralement, elle ne consent pas à ouvrir sa bourse libéralement pour la réalisation d’une œuvre qui ne rapportera que de l’honneur ! Pays au cœur généreux que le nôtre, mais-atrophié, somnolent pour tout ce qui ne remue pas violemment ses fibres !

RICHARD CORTAMBEIIT.

POLITIQUE GÉNÉRALE. —. 1869. -Au point de vue de la pondération des forces politiques, ce qui nous frappe tout d’abord, dans la période dont nous avons à retracer le tableau, d’ailleurs très-confus, c’est le ^rôle prédominant de la France ; c’est la confiance quelle inspire à ses alliés et la crainte quelle fait éprouver à ses, .adversaires, sans avoir besoin d’élever la voix ou de porter la main sur , la garde de son épée. Les plus audacieux savent que toute entreprise accomplie contre sa volonté est une œuvre fragile, parce que la France est encore la seule puissance vraiment forte de notre continent.

La Russie commence à peine à sortir de la barbarie, et cet état immense, composé de parties discordantes, aura, suivant toute apparence, des crises.graves à traverser avant d’arriver à upe constitution solide et à la pleine conscience de lui-même. — Tirant sa substance du dehors, l’Angleterre tomberait à un rang plus que secondaire le jour où elle perdrait, avec l’Inde, le commerce de la Chine. Il suffirait d’une guerre maritime malheureuse pour la frapper d’une déchéance irréparable, et peut-être d’un morcellement territorial. — L’Autriche est un ; empire de marqueterie qui, las de courir après une unité.fantastique, .tombera, bientôt dans le

fédéralisme.—Expression plus militaire que politique de l’ambition des Hohenzollern, la Prusse agrandie n’a pas reçu la sanction des pays violemment annexés, qui tous, Slesvig, Holstein, Hanovre, Hesse, Nassau, Francfort, soupirent après l’autonomie, et il en est de même de ceux qu’on a fait entrer de force dans la confédération dont le roi Guillaume est le chef. — L’Italie unifiée ne paraît pas destinée à s’élever jamais au premier rang parmi les nations, ni l’Espagne à remonter la pente de la grandeur où jadis elle monta. *— Quant à la monarchie ottomane, elle est déjà presque effacée du nombre des vivants, et condamnée à ne pouvoir vivre désormais qu’en se reniant elle-même et en cessant d’être la Turquie.

Telle est la situation des principaux états de l’Europe ; seule entre tous, la France est un corps politique et social dont toutes les parties, admirablement disposées, agencées et proportionnées, forment dans leur puissante harmonie une nation tout d’une pièce, un peuple véritablement unitaire, posé, planté, enraciné sur un sol exceptionnellement avantageux, comme un chêne robuste dans un terroir bien choisi. On n’a qu’à prêter l’oreille et l’on entendra battre dans les pays qu’on appelle l’Allemagne un cœur prussien, un cœur hanovrien, un cœur holstenois, un cœur saxon, un cœur souabe, ’ tandis que chez nous, du Rhin à l’Océan et de la Belgique aux Pyrénées, l’oreille la plus fine, fût-ce celle du dieu Scandinave qui percevait le bruit que l’herbe fait en poussant, n’entend battre qu’un seul cœur, celui du peuple français.

L’influence de notre pays ne pouvait donc manquer de dominer toule la politique européenne dans les années de trouble et de confusion qui ont suivi la grande surprise de 1866, accomplie au moment où là France égarée, poursuivait sur de lointains rivages une brillante utopie. Il fautbien reconnaître cependànlquele coup d’audace accompli en 1866 par la Prusse a créé une situation nouvelle qui n’est pas sans péril pour la France et pour l’Europe. La maison de Hohenzollern a posé à la face du monde ce problème : La France continuera-l-elle à marcher à la tête des peuples ? La race celto-latine, qui a tant fait pour la civilisation et qui a créé l’Allemagne elle-même, sera-t-elle primée et rejetée au second plan par la race germanique ? Toute la politique européenne piypte depuis quatre ans autour de ces deux points d’interrogation. Nous avons examiné dans les précédents volumes de l’Annuaire le problème sous toutes ses faces ; il ne nous reste "plus qu’à en suivre les développements successifs.

Le pangermanisme prussien menace à la fois tous les états européens, grands et petits. Les Belges, par exemple, sentent bien que si la