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hommes, ni le matériel. Ces considérations faisaient de la prudence un devoir. Le gouvernement voulut aller malheureusement jusqu’au bout. La Prusse sentait sa force ; M. de Bismarck avait tout préparé ipour pêcher en eau trouble et il voulait saisir l’occasion par les cheveux. Il’ repoussa l’intervention des cabinets européens, ■qui avaient fait, et particulièrementTAngleterre, de louables efforts pour cdnjurerles désastres de là guerre, et s’empressa de jeter sur le conflit, le poison de son machiavélisme politique. Il fit savoir à toute l’Europe, par ses journaux et par ses agents diplomatiques, que la France •avait reçu, dans la personne de son ambassadeur, une. grave insulte, et rendit ainsi toute conciliation impossible. Voici’comment s’exprimait à ce sujet M. de Gramont dans une « ntrevue qu’il eut, le 15 juillet, avec lordLyons, ambassadeur d’Angleterre à Paris, en le remerciant des efforts amicaux tentés par le cabinet de Londres.

« Les derniers actes du gouvernement prussien-avaient, rendu— disait-il— ces efforts

Inefficaces. Ce gouvernement avait, de propos délibéré, insulté, la France en déclarant au public que le roi de Prusse avait fait un affront à l’ambassadeur français.. C’était évidemment l’intention du, gouvernement prussien de se prévaloir auprès’ de l’Angleterre d’un acte hautain et discourtois, et, en fait, pour humilier la France..

— « Et non-seulement cette déclaration, si offensante pour la France, avait été publiée par le gouvernement dans ses journaux ; elle avait encore été communiquée officiellement par le télégraphe ! aux agents prussiens dans toute : l’Europe. Jusque-là, la négociation avait été privée.Eu égard aux circonstances particulières de l’affaire, elle avait été suivie directement avec le roi de Prusse.

a Le ministre prussien des affaires étrangères, comte de Bismarck, était à la campagne, et l’on avait été dans l’impossibilité de le joindre, Le ministre.en exercice, M. de Thile, déclarait ne rien savoir, ajoutant que ce n’était point une question concernant le gouvernement prussien, mais le roi personnellement. Quoique la distinction ne fût pas admissible en principe, elle obligeait cependant la France à agir directement avec le roi, et l’ambassadeur de France •fut envoyé à Ems pour voir Sa Majesté. La négociation n’avait pas eu un cours satisfaisant, mais tant qu’elle était demeurée privée, il y avait espoir de la mener à bonne fin.

« Le roi n’avait pas traité non plus M. Benedetti avec cette rudé impolitesse dont le gouvernement prussien se vantait. -Biais que le gouvernement eût pris le parti de.déclarer à l’Allemagne et à l’Europe que la France avait reçu un affront en la personne de son ambassadeur, c’était un acte de forfanterie qui aggravait l’offense. C’était une insulte qu’une nation quelque peu fière ne pouvait supporter, et qui rendait, au grand regret de la France, impossible de prendre en considération le moyen de régler le point primitivement en discussion recommandé par le gouvernement de Sa Majesté. »

M. Benedetti reçut, dans la nuit du 13 au 14, un télégramme expédié de Paris à 9 h. 45, qui lui ordonnait de revenir à Paris. Il partit immédiatement. •

Le 19 juillet, M. Lesourd remettait au gouvernement prussien la déclaration de guerre de la France..’

, IL PRÉPARATIFS MIUTAIIIES. — Avertissements donnés au gouvernement français. — Le budget de la guerre en France et en Prusse. — La garde mobile en 1868. — Notre effectif militaire au début de la guerre. — La garde nationale sédentaire., — L’artillerie et les mitrailleuses.

— L’armée prussienne, est-elle supérieure hia nôtre ? — TJne armée d’espions cause première du succès de la Prusse. —• Bôle de la cavalerie dans l’armée allemande. — Les quatre grandes fautes, suivant M. Tliiers.— Comment la France est prise au dépourvu. — Nos places fortes non armées. — Cause des échecs des armées organisées par la délégation.

Puissance militaire de premier ordre, la France pouvait mettre, assurément, sur pied une armée capable de tenir tête à un ennemi, quel qu’il fût, et de protéger efficacement son territoire. Rien ne lui manquait, ni les hommes ni Targenl. Une guerre avec la Prusse était inévitable ; M. de Bismarck n’attendait, pour la déclarer ou pour nous la faire déclarer, qu’une occasion favorable : personne, en Europe, ne l’ignorait, parce que la réalisation de son programme politique était subordonnée à la défaite de la France. Nous devions donc nous tenir prêts à tout événement. Avec un homme audacieux, énergique, rusé et sans scrupule comme M. de Bismarck, avec un ministre qui disait :« La force prime le droit », le conflit pouvait à chaque instant éclater sous un prétexte quelconque.

Les avertissements n’avaient pas manqué au gouvernement. L’empereur n’ignorait pas que le général de Moltke avait visité, en avril 1868, les provinces rhénanes dans un but militaire (Papierssecrets de l’empire, LX1) ; il connaissait la lettre, pleine " d’appréhensions vivement exprimées, adressée au général Trochu, en décembre 1866, par le général Ducrot, qui commandait alors à Strasbourg, et les deux autres lettres qu’il fit parvenir au général Frossard le 28 décembre 1868 et le 31 janvier 1869 (Papiers secrets, LVIII, LIX). Le baron Stoffel, attaché militaire à l’ambassade française de Berlin, lui avait envoyé, en 1866, en 1868 et 1869, des