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raies dé l’insurrection du 18 mars. Les témoins qu’on a voulu entendre font tous remonter au socialisme impérial cette grande et terrible ca- . tàstrophé ; mais il convient, pour corriger ce ’ qu’il y a. d’excessif dans les dépositions que nous venons de résumer, de reproduire les questions faites aux témoins par M. de Caumont, un des membres de la commission d’enquête, car elles ont cpnservé toute leur importance. « Convient-il donc, disait-il, puisque les associations ouvrières ont joué un si grand rôle depuis cinquante ans dans toutes nos révolutions politiques, convient-il de condamner le principe même de ces associations et de les interdire absolument ? »—« La loi de 1791 a brisé les anciennes corporations. Elle a laissé les ouvriers dans un isolement absolu, contraire à leur instinct, parce qu’il est dans la nature des hommes, et surtoutdesêlresfaibles, de s’associer pour devenir forts. Est-ce la forme donnée à ces associations qui est mauvaise, dangereuse ? Cette formé est-elle, oui ou non, un péril public ? Quelle forme nouvelle pourrait-on leur donner ? Qu’est-ce qu’il faut penser, par exemple, des sociétés de secours mutuels ? N’est-ce pas un très-grand péril pour la société que cet amalgame révolutionnaire d’ouvriers de tous les états ? Les associations par corps d’état seraient-elles moins dangereuses que les sociétés de secours mutuels avec leur constitution actuelle ? »’ Un point d’interrogation, voilà donc où nous en sommes réduits après tant d’essais, de tentatives, d’agitations, d’expériences avortées et de sang répandu !
Nous allons maintenant, à la suite des témoins et souvent en complétant leurs informations, entrer dansiquelques détails dont on comprendra l’intérêt.
ni. Sociétés ouvrières. — Leurs tendances politiques sous l’empire. — Brève histoire de l’internationale. — Ses congrès. — Sa scission. ■— Sa suppression en France. — Comment elle devient révolutionnaire. — Les sociétés secrètes.
— Les clubs. — Blanqui et les banquistes.
— Félix Pyat. — Dclescluze. — Les bombes et les tubes incendiaires.— Tous les démagogues saisis et relâchés.
Comme couronnement de la brillante expédition de 1859, l’empereur avait fait l’amnistie du 16 août. Il se croyait assez fort pour être généreux et il pensait peut-être que les proscrits, socialistes" pour la plupart, pouvaient trouver dans ses idées un peint de ralliement. C’était pure illusion. Revenus en France après avpir beaucoup souffert, les exilés, plus passionnés que jamais, rêvaient une réparation qu’ils ne pouvaient obtenir qu’en renversant l’empire. Un mouvement très-accentué se manifesta bientôt parmi la jeunesse des écoles. Dans cç milieu ardent et irréfléchi on yït pa-^
raître des journaux, comme le Mouvement, la Jeunesse qui, avec toute la réserve nécessitée par les lois sur la presse, ouvraient des perspectives nouvelles. C’est là que se formèrent Jules Longuet, Vermorel, Pierre Denis, Jules Vallès, Rogeard, Deschanel, Bancel, etc. La classe ouvrière entra elle-même dans le mouvement, et l’on vit se former des associations de secours mutuels, des sociétés coopératives de production et de consommation. Il y en avait déjà près de deux cents à Paris, en 1862, lorsqu’un beau-père de Cabet fonda, pour centraliser ces associations et leurs capitaux, une société centrale dont un des frères Reclus disait : « Il faut avoir l’air d’organiser les classes ouvrières au point de vue industriel et économique. Ce sera pour nous le meyen de les organiser plus ; tard au point de vue politique. Nous aurons un instrument tout prêt et une armée constituée. »
Ces paroles seraient l’expression exacte de la vérité, s’il fallait s’en rapporter à M. Mouton, chef du cabinet de M. Piétri. Les sociétés coopératives, dont le nombre était d’environ cinq cents en 1866, n’avaient, suivant lui, qu’un seul but : « Se grouper pour amener une révolution. » Et M. Mouton ajoute : « Dès 1866, j’ai constaté que toutes ces sociétés tendaient à un bouleversement inévitable, si le pouvoir ne les combattait pas par les mesures les plus énergiques. .. J’ai vu de près les ouvriers de Paris et les meneurs auxquels ils obéissent. Ils ne, cherchent nullement à améliorer leur sort par le travail et l’économie. Ils ne rêvent que l’expropriation, à leur profit, des ateliers et des machines appartenant aux patrons riches, qu’ils détestent. Je les ai toujours trouvés haineux, envieux, ennemis de toute supériorité et de
toute autorité Le but poursuivi par eux
était politique parce que le nivellement social désiré par eux ne pouvait être atteint qu’au moyen d’un bouleversement politique. Ils ont cru unmoment que parla coopération ils pourraient arriver à toucher un salaire plus élevé tout en travaillant moins... Quand ils se sont aperçus qu’il fallait obéir à l’un d’eux, travailler assidûment pour un gain qui n’était pas sensiblement supérieur à leur salaire moyen, ils s’en sont dégoûtés, et depuis lors ils n’ont plus songé qu’à l’expropriation des propriétaires, à la suppression du capital, qu’ils ont toujours regardé comme leur ennemi. »
« Il y avait, dit encore M. Mouton, des chambres syndicales d’ouvriers, divisés par métiers, mais réunis par le lien de la fédération. Chaque corps de métier nommait son délégué, et’ la réunion de tous les délégués formait le conseil fédéral, qui avait un siège rue de laCorderie, ainsi que l’Association internationale, dont l’organisation, était analogue. Ces deux associa*