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Page:Anonyme - Doon de la Roche.djvu/90

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lxxxvi
doon de la roche

plus compliqués et le thème primitif s’est quelque peu obscurci ; cependant, dans ces deux récits, c’est Landri, le fils, qui prend l’initiative de l’expédition destinée à châtier les traîtres qui ont fait le malheur de sa mère (E, fol. c. vi, v° ; F, v. 2645 et suiv.). Dans toute cette partie décisive du récit, c’est le fils d’Olive qui agit et commande (voir F, v. 2918) et non l’époux : au milieu de toutes sortes de complications, nous retrouvons dans les versions E et F la donnée de N, qui est également la donnée du conte populaire et du Chevalier au Cygne[1] : la mère réhabilitée par ses enfants (ou son enfant).

Voici comment a dû procéder l’auteur du poème primitif (O1), que nous pouvons restituer en gros par N. Connaissant le récit populaire, il le transforma en récit épique, en remplaçant par la prison le supplice singulier de la mère relaté par le conte[2]. Il transforma de même la suite des événements, d’un merveilleux bizarre, qui, dans le conte, amènent la délivrance de la mère, en une suite d’actions vaillantes du fils unique,

  1. Dans la version primitive de la chanson, conservée par le Dolopathos, cette donnée s’est quelque peu obscurcie, par suite de la contamination du conte avec un autre, celui des frères transformés en oiseaux ; on peut cependant noter que la sœur des frères métamorphosés se met en rapport avec la mère maltraitée et que c’est elle qui, en attirant l’attention du père, amène le dénouement, la délivrance de la mère et la punition de la belle-mère coupable. Dans le groupe des versions plus récentes, que G. Paris appelait Béatrix (voir Romania, XIX, 1980, p. 323 et suiv.), ce n’est plus la fille, c’est un des fils qui joue le rôle principal. Ainsi que l’a remarqué G. Paris (article cité, p. 323, note 2), le thème de la mère réhabilitée par le fils se retrouve encore dans la première partie de Doon de Mayence. Enfin, on peut citer encore, comme un exemple de ce thème du fils vengeant sa mère, le poème plus récent sur « la Reine de France calomniée », la Reine Sebile (rôle du jeune Louis, fils de Sebile).
  2. Cependant nous avons vu que, dans un conte russe, la mère est emmurée, ce qui ne diffère pas beaucoup de la prison.