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la saga d’élie

de quel pays ? » « Sire, » dit le larron, « d’Alexandrie ; je suis un riche marchand ; et je conduisais ici un riche vaisseau de marchandises ; vous n’en avez jamais vu de plus beau ; et j’amenais ici dix chevaux de guerre et dix[1] mulets, les montures les plus commodes, que vous envoyait votre frère qui gouverne tout le pays d’Alexandrie et qui vous aime par dessus tout ; mais le roi Macabré m’a pris les chevaux et les mulets et a fait briser en deux et brûler mon vaisseau, en honte de vous, car il avait appris que vous vous prépariez à venir ici contre lui avec une nombreuse armée. Maintenant c’est un grand chagrin pour moi et pour vous un grand dommage que j’aie été volé, car il me semble que vous n’avez pas de si bon cheval que ceux qu’il m’a enlevés ; il m’a tué tous mes matelots, mais j’ai réussi à m’enfuir. Je suis venu ici me plaindre de mes malheurs et de votre honte, afin que vous preniez vengeance de lui par un châtiment convenable. » Quand[2] Jubien entendit ce qu’il lui disait, il se mit la main sur la tête et jura : « Ainsi puissé-je conserver cette tête », dit-il, « comme je te ferai rendre vingt pour un de ce qu’il t’a pris, et te ferai construire à ses frais un vaisseau aussi beau, avant que cette armée s’éloigne de sa ville. »

(LV)

« Sire, » dit le larron ; « je ne me chagrinais pas de l’argent que j’ai perdu ; mais mon seul chagrin est qu’il vous ait pris ces chevaux, si bons que jamais pareils n’ont été en votre possession. » « Ami, » dit Jubien, « ne te soucie pas des chevaux ! quand tu aurais amené mille destriers ensemble, des meilleurs que tu aies vus ou entendu vanter, j’en ai un que je ne voudrais pas donner et échanger contre eux tous[3] ; et tu vas à l’instant venir le voir : il ne faut pas plus longtemps tarder. » Le roi le prit

  1. D vingt ; B cinq.
  2. C D ajoutent : le roi.
  3. C ajoute : et si tu m’offrais tout l’or d’Arabie, je ne voudrais pas vendre ce cheval.