Page:Anonyme - Huon de Bordeaux, chanson de geste.djvu/20

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Préface.

toute contraire. Remarquons d’abord, et M. Wolf le sait mieux que nous, que plus une légende est ancienne, plus elle est simple. C’est une vérité que confirme notamment l’étude de tous les récits poétiques dont s’est formé le cycle carlovingien : avec le temps ces récits s’allongent, se compliquent, se chargent d’épisodes et de détails accessoires jusque et y compris l’époque où on les traduit en prose. C’est bien plus tard qu’ils se réduisent pour prendre les proportions beaucoup plus modestes sous lesquelles nous les voyons encore aujourd’hui dans les bibliothèques populaires. Or, au premier aspect, ne paraît-il pas que le poëme néerlandais dont il s’agit devait offrir un récit moins simple que celui de la version que nous publions ? Ce neveu de Ganelon, cet enchanteur, ce voleur, cet hôtelier, cités par M. Wolf sont des acteurs dont l’action se passe fort bien dans notre poëme ; ces chevaliers, amis de Huon, nommés dans l’imitation néerlandaise, notre trouvère les désigne seulement par leur nombre et en bloc, comme on en use envers des comparses. Il résulte de là, selon nous, une présomption d’antériorité en faveur de son récit.

Nous croyons aussi qu’un trouvère français n’aurait pas été assez malavisé pour faire revivre Ganelon dans un poëme dont l’action se passe bien longtemps après le désastre de Roncevaux, après ce Waterloo du moyen-âge dont l’histoire lamentable était dans toutes les mémoires, à moins d’imaginer que la version primitive de Huon de Bordeaux fût comme antidatée, de façon à placer les événements qu’elle racontait