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Huon de Bordeaux

« Auberons est par droit non apelés.
« Il n’est cors d’omme, s’il est u bos entrés,
« S’à lui parole, ki li puist escaper ;
« Et, puis qu’il est aveuc lui demorés,
« N’em partira jamais en son aé.
« Et si vous di, par droite loiauté,
« Que chil nains est de si grant poesté,
« Quant le boscaige cuiderés trespaser,
« Ançois c’aiiés .xii. lieues alé,
3170« Le verrés vous devant vous aresté.
« Si parlera de Dieu de maïsté
« Qu’il n’est nus hom qui n’en fust esperés.
« Se ne volés à son gent cors parler,
« Il en sera tant forment tormentés
« Que moult grant hide en vo cuer en arés,
« Car il fera et plovoir et venter,
« Arbres brisier et fort esquarteler.
« Et après çou qu’il ara si ouvré,
« Vous fera il une riviere tel
3180« C’on i poroit grant navie mener,
« Et par sanblant .i. grant batel de mer.
« Mais je vous di, ce saciés par vreté,
« C’ert tous fantomes canque vous i verés :
« Tout à sec pié par l’aige paserés ;
« N’i moillerés ne cauce ne soller.
« Très bien vous di, ja mar le mesquerrés,
« Que [ben soi taire] ne vous puet il grever.
« Gardés très bien nes un mot ne sonnés ;
« Car, se parliés, c’est fine verités,
3190« Jamais de lui delivrés ne serés,
« Car à respondre trestout perdu avés.
— Par foi, dist Hues, je n’i quier ja parler. »
Adont remontent, ne [bsont plus aresté],
Et ont Geriaume .i. bon ceval donné