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Huon de Bordeaux

S’il pueent estre ne pris ne atrapé ;
Diex les en gart qui en crois fu pené !
Le jougleur a Yvorins apelé :
« Vasal, dist il, or çà avant venés ;
« Vous m’amenastes le traïtour prouvé
« Qui a mon frere ochis et decopé ;
« Mais mar l’osastes, par Mahommet, penser :
8290« Vous en serés à fourqes traïnés. »
Dist li jougleres : « Frans rois de grant bonté,
« Pour Mahommet, aiiés de moi pité,
« Car je vous jur, desour ma loiauté,
« Que jou ne seuc de quel tere fu nés. »
Dist l’amirés : « Traïtres, vous mentés !
« Ains qu’il soit vespres, certes, pendus serés. »
.XXX. paiens a fait errant armer,
Et si fait pendre le caitif menestrel.
La boine harpe li fait au col torser,
8300Si le commande à fourqes amener ;
Et chil si fisent qui ne l’osent véer.
Et li jougleres prent grant duel à mener.
.I. grant loien li ont ou col noé,
A fourqes vienent, sans point de l’arester,
Le jougléour font l’eskiele monter.
Il se regarde vers la boune cité
Et voit Huon, se li a escrié :
« Hé ! Hues, sire, lairés me vous tuer ?
« Car vous soviegne de la grande bonté
8310« Que je vous fis desus la rouge mer,
« Quant vous estiés en si grant povreté,
« Que trestous nus venis parmi le pré.
« Quant je vous vi, moult en ci grant pité ;
« Dont vous donnai bon ermin engoulé
« Et bon mantel d’escrelate fouré.
« Hues, biau sire, ç’a dit li menestrés,