Page:Anonyme - Huon de Bordeaux, chanson de geste.djvu/72

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Sommaire.

sons-le aller, seigneurs, dit Amaury à ses compagnons, et plaise à Dieu qu’il n’en revienne point. La France sera sans héritier, et c’est moi qui prendrai sa place. » Cependant l’abbé de Cluny aperçoit Charlot qui s’avance, et dit à Huon : « Beau neveu, je vois des heaumes briller dans ce petit bois, et voici un chevalier en armes qui vient à nous. Pour l’amour de Dieu, allez lui offrir votre gage, si vous avez commis quelque méfait, et faites-lui réparation, s’il le demande. Pour un denier de tort, promettez-lui de ma part un marc d’or fin. — Que Dieu vous le rende, sire, répond Huon ; mais je ne sais personne dont je sois haï, ni à qui j’aie jamais fait tort d’un parisis. Cependant, ajoute-t-il en s’adressant à son frère Gérard, va voir ce que veut ce chevalier qui vient à nous en si grande hâte. » — Gérard pousse son cheval et arrive auprès de Charlot. « Franc chevalier, lui dit-il faites-vous le guet ? Gardez-vous le pays ? Si nous devons quelque chose, nous l’acquitterons volontiers. — D’où êtes-vous ? demande à son tour Charlot. — De Bordeaux, répond Gérard. Je suis fils du vaillant duc Séguin, et voici venir mon frère aîné, qui est un preux chevalier. Nous allons à la cour, à Paris, visiter et servir le roi Charles. — Par saint Denis, reprend Charlot, c’est vous-même que je cherchais, et je suis fort aise de vous rencontrer. Oui, vous devez quelque chose, par Dieu ! car votre père m’a enlevé trois châteaux sans que j’aie jamais pu tirer vengeance de lui ; mais je ne perdrai rien au change, je l’espère. En garde donc, car je vais vous frapper. » Gérard effrayé lui demande merci. Il n’a point d’armes, dit-il ; le bel exploit que de le tuer ainsi, sans défense ! Son frère et lui, s’ils sont coupables, se soumettront à Paris au jugement des barons. Mais