Page:Anonyme - La France dans les mers asiatiques, 1858.pdf/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
LA FRANCE

Mais on n’ignorait pas que l’honorable Compagnie, par son monopole de l’opium, gagnait trois cents millions chaque année en empoisonnant des peuples. On savait que d’innombrables populations mouraient de faim et de misère au milieu de contrées fertiles, parce que la Compagnie leur arrachait grain à grain le produit de leur travail. On avait entendu dire le proverbe hindou : L’homme blanc mange et boit tout le jour ; l’homme noir dévore sa faim et son désespoir. Sakiblog dîn bhur khate pite haen ; kala admi ghoum aor boukh khata hae[1].

Aussi ce ne fut pas avec surprise que l’Europe apprit la nouvelle de l’insurrection indienne. Elle savait bien que tôt ou tard Dieu punit les iniquités, et ne s’étonna pas que l’heure du châtiment fût venue. Cependant ce soulèvement s’était produit dans des circonstances étranges et bizarres. Des cartouches sont frottées de graisse, et des milliers d’hommes, hier courbés sous le bâton, se soulèvent et font trembler leurs oppresseurs. Une fleur de lotus bleu passe de main en main, et, l’Hindou timide et craintif se redresse et se venge.

La lutte devient acharnée et pleine d’horreurs. Dans cette guerre à mort, ceux qu’on qualifie de barbares ne sont ni les plus implacables ni les plus cruels ; ceux qui se prétendent civilisés deviennent des égorgeurs sans pitié. La bouche du canon répand au loin les entrailles de ceux qu’ont épargnés le fer et les balles. On tue non-seulement les coupables, mais les suspects et les innocents.

La presse anglaise arrive à un point inconnu de fureur,

  1. L’Inde anglaise, par le comte Ed. de Warren, 2e vol., p. 154.