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CHAPITRE VII.

LA GOÉLETTE MYSTÉRIEUSE.


Gédéon Lafortune se tenait dans sa chambre, assis auprès de sa table, en train de fumer sa pipe favorite.

Il entendit frapper à la porte un léger coup, et avant même qu’il eut le temps de répondre, notre ami Joe s’introduisit délibérément dans la chambre.

Son entrée fut accueillie par un formidable éclat de rire auquel le gamin était sans doute loin de s’attendre, car il se mit à regarder de tous côtés avec un air ébahi, en se demandant qui pouvait bien motiver cet accès d’hilarité inexpliquée.

— Qu’est-ce qui t’est arrivé mon garçon ? Tu ne m’avais pas dit que tu eusses l’habitude de changer de peau tous les étés, comme les papillons. Ah ! Ah ! Tiens ! Voilà sans doute l’ouverture par où les ailes vont te pousser. Et Lafortune, frappant railleusement sur l’épaule de Joe, contemplait, au milieu de son dos, la plus belle fente qu’on ait jamais vue sur le derrière d’une jaquette.

Joe le regarda d’un air ahuri, tout en se penchant de divers sens, pour essayer de voir ce que son dos offrait en si particulièrement risible.

— Ah ! fit-il avec un geste démoralisé, mon habit a craqué dans le dos. Un bel habit tout neuf ! le fruit de mes économies ! Et moi qui avais si bien cru mettre dedans le vieux Juif ! Allons, c’est moi qui suis volé. Mais je ne le tiens pas quitte à si bon compte, et il aura bientôt de mes nouvelles. Avez-vous des épingles mon oncle ?

— Oui mon garçon, répondit Lafortune, qui poussa l’obligeance jusqu’à procéder lui-même au raccommodage, en introduisant dans le drap une série d’épingles. Allons, voilà qui va bien. Ce n’est pas encore complet, mais il y a du mieux. Tout à l’heure ton habit était ouvert à la grande navigation. Maintenant, ce ne sont plus guère que des rigoles. Mais c’est égal, je crois que tu feras bien de faire une visite à ton tailleur.

— Si ce n’était qu’à mon tailleur, fit Joe avec une mine