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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

vingt florins contre le drap, qu’il était bleu, et que le premier individu qui passerait et qui serait capable de distinguer le vert du bleu leur dirait qui des deux avait raison. Alors Ulespiègle fit signe au premier compère d’approcher. Le paysan lui dit : « Mon ami, nous sommes en désaccord sur la couleur de ce drap. Dis franchement s’il est vert ou bleu, et ce que tu nous diras, nous nous y tiendrons. » L’individu répondit : « C’est un fort joli drap bleu. » Le paysan dit : « Non, vous êtes deux fripons ; vous avez comploté cela ensemble pour me tromper. » Ulespiègle lui dit : « Eh bien ! pour que tu voies que j’ai raison, je m’en rapporte à ce pieux moine qui s’avance vers nous. J’accepte sa décision, qu’elle soit pour moi ou contre moi. » Le paysan accepta. Quand le prêtre fut arrivé plus près, Ulespiègle lui dit : « Monsieur, dites la vérité : quelle est la couleur de ce drap ? » Le moine répondit : « Mes amis, vous le voyez bien vous-mêmes. — Oui, Monsieur, dit le paysan, cela est vrai ; mais ces deux individus veulent me faire accroire une chose que je sais fausse. – Qu’ai-je besoin, dit le moine, de me mêler de votre querelle ? Qu’est-ce que cela me fait qu’il soit noir ou blanc ? – Ah ! cher Monsieur, dit le paysan, décidez entre nous, je vous en prie ! – Puisque vous y tenez, dit le moine, je ne puis dire autre chose, sinon qu’il est bleu. – Entends-tu bien ? dit Ulespiègle ; le drap est à moi ! » Le paysan dit : « En vérité, Monsieur, si vous n’étiez un prêtre ordonné, je croirais que vous mentez, et que vous êtes tous les trois des fripons ; mais,