Page:Anonyme - Les Aventures de Til Ulespiegle.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
173
LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

à cheval. Pensant que c’était un honnête homme, ils mirent chapeau bas et dirent : « Cher seigneur, nous venons de la ville, où nous étions allés pour les funérailles d’un homme riche, où l’on donnait à manger et faisait l’aumône ; mais il y faisait bien froid. » Ulespiègle leur dit : « Il fait un froid terrible ; je crains que vous ne geliez. Tenez, voilà douze florins. Retournez-vous-en dans la ville, à l’auberge d’où je viens. » Il leur indiqua l’auberge et ajouta : « Vous dépenserez les douze florins en mon honneur. Cependant l’hiver se passera et vous pourrez vous mettre en route sans craindre le froid. » Les aveugles s’inclinèrent et le remercièrent de leur mieux. Chacun d’eux croyait que l’autre avait l’argent. Le premier croyait que c’était le second ; le second, que c’était le troisième, et ainsi de suite jusqu’au dernier, qui pensait que c’était le premier. Ainsi ils s’en allèrent à l’auberge qu’Ulespiègle leur avait indiquée. Étant arrivés, ils dirent qu’un homme bienfaisant leur avait donné douze florins pour l’amour de Dieu, et leur avait dit de les dépenser à sa santé en attendant que l’hiver fût passé. Cet argent tenta l’hôte ; il accueillit les aveugles sans demander lequel d’entre eux avait l’argent, et leur dit : « Oui, mes chers frères, je vous traiterai bien. » Il leur donna à boire et à manger et les hébergea jusqu’au moment où il pensa que les douze florins étaient dépensés. Alors il leur dit : « Chers frères, voulez-vous que nous comptions ? Les douze florins seront bientôt dépensés. » Les aveugles dirent qu’il avait raison, et ils se mirent à