CHAPITRE LXXIII.
pierres, et répondit à ceux qui l’interrogeaient
qu’il semait des fripons.
eu de temps après, Ulespiègle se trouvait
dans une ville sur le Weser, et il observa les
mœurs et actions des bourgeois, de sorte
qu’il connut bientôt leur manière de penser et d’agir.
Après un séjour d’une quinzaine, ce qu’il avait
trouvé dans une maison, il le trouvait dans une autre,
et il ne voyait et n’entendait rien qu’il ne sût déjà.
Les habitants étaient las de lui et il était las d’eux.
Il s’en alla sur le bord de la rivière et ramassa des
cailloux, puis il se mit à les semer dans la rue devant
l’hôtel de ville. Les marchands étrangers qui se
trouvaient là lui demandèrent ce qu’il semait. Il
répondit : « Je sème des fripons. – Tu n’as pas besoin
d’en semer, dirent les marchands, il y en a ici
plus que de raison. – C’est vrai, dit Ulespiègle. –
Pourquoi, dirent les marchands, ne sèmes-tu pas
des honnêtes gens ? – Les braves gens, répondit
Ulespiègle, ne pousseraient pas ici. » Ces paroles
furent rapportées au Conseil, qui fit venir Ulespiègle
et lui ordonna de ramasser les cailloux qu’il avait
semés, et de sortir de la ville. Il obéit et s’en alla à
dix lieues de là, à Detmerschen, dans l’intention d’y
semer ses cailloux. Mais le bruit de l’aventure était