Page:Anonyme - Les Aventures de Til Ulespiegle.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
212
LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

lui dit l’abbé ; tu ne laisseras pas entrer tout le monde : tu laisseras entrer seulement le tiers ou le quart de ceux qui se présenteront : car si on recevait trop de monde, les visiteurs mangeraient tout le bien du couvent. – Digne seigneur, dit Ulespiègle, je ferai cela comme il convient. » Il entra tout de suite en fonctions, et de tous ceux qui se présentaient, qu’ils fussent du couvent ou non, il ne laissait entrer que le quart, et jamais davantage. Plainte en fut faite à l’abbé, qui lui dit : « Tu es un vaurien fieffé ! Ne veux-tu pas laisser entrer ceux qui appartiennent au couvent ? – Seigneur, dit Ulespiègle, j’ai laissé entrer le quart, comme vous me l’avez commandé, et pas davantage. Je me suis conformé à vos ordres. – Tu t’es conduit comme un vaurien, » dit l’abbé. Il aurait bien voulu être délivré de lui. Il installa un autre portier, car il vit bien qu’Ulespiègle ne se corrigerait pas de sa malice invétérée.

Il lui donna alors un autre emploi, et lui dit : « Tu compteras les moines la nuit à matines, et si tu n’es pas exact, tu t’en iras d’ici. – Seigneur, dit Ulespiègle, ce sera une besogne pénible pour moi, mais si cela ne peut être autrement, je le ferai de mon mieux. » Pendant la nuit il rompit quelques marches de l’escalier. Le prieur était un vieux moine bon et pieux, qui était toujours le premier à matines. Il alla silencieusement à l’échelle, et quand il crut mettre le pied sur les échelons qui avaient été rompus, il tomba et se cassa la jambe. Il se mit à crier