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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

le faire suer. Puis Ulespiègle sortit et prit une pierre creuse sur laquelle il se déchargea le ventre. Ensuite il mit cette pierre avec ce qu’elle contenait sur le bois du lit, entre la muraille et le docteur. Or le docteur était couché près de la muraille et Ulespiègle sur le devant. Le docteur se serait volontiers tenu la tête contre le mur, mais ce qui était dans la pierre creuse puait tellement, qu’il fut obligé de se retourner du côté d’Ulespiègle. Aussitôt celui-ci lâcha silencieusement un vent qui ne sentait pas moins mauvais. Le docteur se retourna ainsi, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, jusque vers le milieu de la nuit, et toujours avec le même résultat. Enfin la purgation fit son effet, soudainement et avec force, si bien que le docteur laissa tout échapper dans le lit, ce qui produisit une atroce puanteur. Alors Ulespiègle lui dit : « Comment, digne docteur, vous trouvez-vous ? votre sueur sent mauvais depuis longtemps ; mais voilà que cela devient plus fort. » Le docteur pensa qu’il le sentait bien ; mais il était tellement empesté de cette puanteur, qu’il pouvait à peine parler. Ulespiègle lui dit : « Tenez-vous là bien tranquille ; je vais chercher une lumière pour voir comment vous allez. » Comme il se levait, Ulespiègle lâcha lui-même ses excréments et se mit à se plaindre : « Hélas ! moi aussi je me trouve mal ; cela me vient de votre maladie et de la puanteur. » Le docteur était si malade qu’il pouvait à peine remuer la tête. Il remercia Dieu de ce que le médecin l’avait laissé seul, et il put respirer un peu d’air ; car, jusque-là,