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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

de pétrir ? des chouettes ou des guenons ? » Puis il alla se coucher. Ulespiègle s’en alla dans la chambre où l’on faisait le pain, et mit toute la pâte en chouettes et en guenons, et les mit au four. Le matin, le maître se leva et vint pour lui aider. Quand il entra dans la boulangerie, il n’y trouva ni pain blanc, ni pain bis, mais seulement des chouettes et des guenons. Il se mit en colère et dit : « Par la fièvre quarte, qu’as-tu fait là ? – Ce que vous m’avez commandé, répondit Ulespiègle, des chouettes et des guenons. – Que ferai-je maintenant de ces choses extravagantes ? reprit le maître ; je n’ai pas besoin de pain semblable ; je ne pourrais le vendre. » Puis il prit Ulespiègle à la gorge, et s’écria : « Paye-moi ma pâte ! – Bien, répondit Ulespiègle. Mais si je paye la pâte, la marchandise qui en a été faite doit m’appartenir. » Le maître répondit : « Est-ce que j’ai besoin de pareille marchandise ? Des chouettes et des guenons ne peuvent me servir pour mon commerce. » Ainsi Ulespiègle paya au boulanger sa pâte, et prit les chouettes et les guenons dans une corbeille, et les porta hors de la maison, dans une auberge à l’enseigne de l’Homme sauvage. Puis il pensa en lui-même : « J’ai souvent entendu dire qu’on ne pouvait apporter à Brunswick des choses si extraordinaires qu’on n’en fît de l’argent. » Or la fête de saint Nicolas tombait le lendemain. Ulespiègle alla s’installer avec sa marchandise au-devant de l’église, et vendit toutes ses chouettes et ses guenons, et en retira beaucoup plus d’argent qu’il n’en avait donné