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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

du duc lui dirent : « Seigneur, voyez : voilà Ulespiègle dans la peau d’un cheval. » Le duc s’avança vers lui et lui dit : « Ulespiègle, es-tu là ? Que fais-tu là dans cette charogne ? Ne sais-tu pas que je t’ai défendu mon pays, et que je t’ai promis de te faire pendre à un arbre si je t’y trouvais ? » Ulespiègle répondit : « Ô gracieux seigneur et prince ! j’espère que vous me ferez grâce de la vie ; je n’ai rien fait d’assez mal pour mériter d’être pendu. » Le duc lui dit : « Viens ici et dis-moi ton innocence, et ce que tu pensais en te mettant dans la peau du cheval. » Ulespiègle s’avança et répondit : « Gracieux et noble seigneur, je craignais votre colère et j’avais grand’peur. Or j’ai toujours entendu dire que chacun doit être en paix sur son fumier. » Le duc se mit à rire et lui dit : « Veux-tu maintenant rester hors de mon pays ? – Gracieux seigneur, dit Ulespiègle, comme il plaira à votre bonté. » Le duc s’éloigna en disant : « Reste comme tu es. » Ulespiègle sauta lestement de son cheval mort, et lui dit : « Je te remercie, mon cher cheval ; tu m’as sauvé le col de la corde et tu m’as conservé la vie. Et par-dessus le marché tu m’as rendu un gracieux maître. Reste là maintenant ; il vaut mieux que les corbeaux te mangent que s’ils m’avaient mangé. » Puis il s’éloigna à pied.