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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

piègle : « Ah ! cher maître, Nous avons un vif désir de voir votre travail, et Nous vous prions de Nous laisser entrer dans la salle avec vous, afin que Nous puissions voir les peintures. – Oui, gracieux seigneur, répondit Ulespiègle ; mais je dois auparavant prévenir Votre Grâce d’une chose : c’est que ma peinture n’est pas visible pour celui qui n’est pas enfant légitime. » Le Landgrave répondit : « Maître, ce serait une grande chose. » Là-dessus ils entrèrent dans la salle. Ulespiègle avait tendu une grande toile de lin sur la muraille où il devait peindre ; il écarta un peu cette toile, et avec un petit bâton blanc il montrait la muraille, en disant : « Voyez, gracieux seigneur : cet homme, c’est le premier Landgrave de Hesse, qui fut un Colonna de Rome, et qui épousa la fille du doux Justinien, une duchesse de Bavière, lequel depuis fut empereur. Voyez maintenant ici, gracieux seigneur : de lui naquit Adolphe ; Adolphe engendra Guillaume le Noir ; Guillaume engendra Louis le Pieux, et ainsi de suite jusqu’à Votre Grâce. Je sais bien que personne ne peut trouver à redire à mon travail, que j’ai peint avec tant d’art et d’une façon si magistrale, et avec de si belles couleurs et de si beaux visages. » Le Landgrave ne voyait autre chose que la muraille toute blanche, et pensait en lui-même : « Serais-je donc bâtard, que je ne vois que la muraille nue ? » Cependant il dit par bonté d’âme : « Cher maître, Nous sommes content de votre travail, mais Nous ne Nous y connaissons pas assez pour le juger. » Là-dessus il sortit de la salle. Quand il eut