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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

car il voulait partir. La dame lui dit : « Mon cher hôte, donnez-moi vingt-quatre deniers pour votre repas, et allez où vous voudrez, à la grâce de Dieu. — Non, dit Ulespiègle, c’est vous qui devez me donner vingt-quatre deniers, comme vous l’avez promis ; car vous avez dit qu’à cette table on mangeait pour vingt-quatre deniers. J’ai compris que je devais gagner de l’argent en mangeant, et j’ai fait mon devoir en conscience ; j’ai tant mangé que la sueur m’en venait et que je ne pourrais manger davantage, dût-on me tuer. En conséquence, payez-moi ma peine. – Mon ami, dit l’hôtesse, c’est vrai ; vous avez bien mangé pour trois ; et prétendre que je dois vous payer pour cela, c’est n’avoir pas le sens commun. Pour le repas, c’est bien : vous pouvez vous en aller : je ne vous demande pas d’argent ; mais je ne vous en donnerai point pour ajouter à ce que je perds. Ne revenez pas, car si je devais nourrir mes hôtes toute l’année à ce prix, et n’en pas tirer plus d’argent que de vous, je pourrais fermer boutique. » Ainsi Ulespiègle fut obligé de partir sans emporter beaucoup de remercîments.