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LES AVENTURES DE TIL ULESPIÈGLE

enveloppa les boulettes dedans, prit une petite table de mercier, acheta quelques épiceries, et alla s’installer devant le Rœmer. Il vint beaucoup de gens voir sa marchandise, qui lui demandèrent ce qu’il avait d’extraordinaire, car c’était une marchandise étrange, qui était enveloppée comme de l’ambre et avait une odeur singulière. Mais Ulespiègle ne voulut répondre catégoriquement à personne, jusqu’au moment où trois riches juifs s’adressèrent à lui et lui demandèrent ce qu’il vendait. Il leur répondit que c’était de véritables pilules prophétiques, et que celui qui en prenait une dans sa bouche, et la portait ensuite à son nez, acquérait à l’instant la faculté de deviner. Les juifs se retirèrent à l’écart et tinrent conseil entre eux pendant quelque temps. Enfin le plus âgé dit : « Par ce moyen nous pourrions prédire quand viendra notre Messie, ce qui ne serait pas une petite consolation pour nous autres juifs. » Et ils convinrent d’acheter toute la marchandise, quelque chose qu’il en dût coûter. Ils retournèrent vers Ulespiègle et lui dirent : « Monsieur le marchand, quel est le prix d’une pilule prophétique, au plus bas mot ? » Ulespiègle réfléchit un moment et se dit : « En vérité, le bon Dieu m’envoie des acheteurs selon ma marchandise ; c’est bien là friandise pour des juifs » ; et il leur répondit : « J’en donne une pour mille florins ; si vous ne voulez les donner, chiens, passez votre chemin et laissez là l’ordure. » Afin de ne pas mettre Ulespiègle en colère et d’obtenir sa marchandise, ils lui comptèrent promptement