Page:Anonyme - Les langues et les nationalités au Canada, 1916.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
20
LES LANGUES ET LES NATIONALITÉS AU CANADA

aujourd’hui le territoire de la province d’Ontario. S’il en est resté moins de traces, c’est que, ces territoires étant le point par où se produisaient toujours les invasions des Anglais de la Nouvelle-Angleterre, les établissements français y ont été détruits pour la plupart et que leurs occupants, moins éloignés de Québec que leurs frères de l’ouest, ont pu s’y replier plus facilement après la conquête anglaise, abandonnant les ruines de leurs établissements aux soi-disant loyalistes qui vinrent s’établir là après la révolte des colonies américaines, ainsi que nous le dirons dans le chapitre suivant. C’est ce qui explique l’apparente anomalie de la persistance de l’influence française dans l’Ouest séparé cependant de Québec par tout le territoire anglifié de l’Ontario.


Après la conquête


Après la cession du Canada à l’Angleterre, chacun connaît ce que, en dépit des clauses du traité, l’on tenta pour faire perdre aux Canadiens-français leur langue et leur religion. Il faut reconnaître, d’ailleurs, que ces tentatives venaient moins de l’initiative du gouvernement de Londres que des suggestions et même de la pression exercée sur lui par les colons de la Nouvelle-Angleterre, qui, depuis le commencement des deux colonies, s’étaient toujours distingués par leur francophobie et leur intolérance religieuse. Heureusement, pour la tranquillité des Canadiens, quelques années après la cession leurs persécuteurs se révoltèrent contre l’Angleterre. Ils tâchèrent même d’entraîner le Canada dans leur révolte.

À ce moment, j’imagine que l’état d’esprit des Canadiens-français dût être singulièrement complexe. Leur annexion à l’Angleterre était trop récente pour qu’il pût être question d’une allégeance d’amour ou même de sympathie à la couronne britannique. Les guerres sanglantes, qui s’étaient terminées par leur défaite définitive, étaient trop récentes pour qu’elles n’aient pas laissé au fond de l’âme de tout Canadien un sentiment de rancune et un désir de vengeance. Se joindre aux révoltés de la Nouvelle-Angleterre et secouer le joug d’Albion