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II
préface

nous ne l’avons, hélas ! que trop propagée. Nos hommes d’État, nos chefs religieux, nos historiens, nos publicistes, ont tous contribué à forger cette fausseté historique. Je confesse volontiers que je m’y suis laissé prendre.

La vérité commence à se faire jour. L’étude consciencieuse de l’histoire révèle que la persécution constante que les Canadiens-français ont subie, avec ses alternatives d’accalmie et de recrudescence, a toujours trouvé sa pensée inspiratrice dans la politique impériale.

La seule différence, c’est que les hommes d’État anglais y ont mis plus d’hypocrisie et les colonials plus de cynique et maladroite brutalité.

Le sentiment le plus constant des autorités impériales à notre endroit, on le trouve dans les rapports et la correspondance de lord Durham : il est inutile et dangereux de faire violence aux Canadiens-français ; mieux vaut les noyer lentement et se servir de leurs propres chefs pour les amener au suicide national.

Mais la vraie pensée anglaise, la vraie politique anglaise à l’égard des vaincus, c’est en Irlande qu’il faut les chercher. C’est le martyre trois fois séculaire de l’Irlande qui peint dans toute sa sincérité le véritable esprit dominateur des Anglo-Saxons. Ni l’histoire de la Russie, ni celle de la Turquie, ni celle de l’Allemagne prussianisée, ne révèlent un tel instinct d’assimilation, une haine plus absolue et plus constante de la religion et de la langue des vaincus.

Situés comme l’Irlande, les autres pays conquis par l’Angleterre et peuplés de races non britanniques auraient subi le même sort.

Ce qui est vrai, cependant, c’est que la révolution américaine et la révolte des Cipayes ont démontré aux hommes d’Etat britanniques le danger et l’inconvénient de mener à coups de bâton les peuples situés trop loin de l’autorité impériale et protégés par des circonstances extérieures contre l’exercice trop rigoureux de cette autorité.

Il est juste d’ajouter que le respect croissant des libertés individuelles et politiques a développé chez les Anglais modernes un certain respect pour la liberté des peuples, tout-à-fait étranger au tempérament de la race,