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Page:Anonyme - Les langues et les nationalités au Canada, 1916.djvu/33

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LES LANGUES ET LES NATIONALITÉS AU CANADA

de perdre leur estime et ils vous tiendraient pour un « short minded Frenchman ».

N’essayez pas non plus de leur faire comprendre que, dans un pays comme le Canada, il est du devoir de chacun de promouvoir l’union et la bonne entente entre les différentes races qui sont appelées à y vivre côte à côte : ils vous prendraient pour un révolutionnaire ; le trouble et la discorde étant, d’après eux, le seul état normal d’une société bien organisée. Témoin, ce rédacteur de l’Orange Sentinel qui, ayant récemment découvert le Nouveau-Brunswick, s’aperçut avec horreur que les citoyens y vivaient en paix les uns avec les autres. Depuis ce temps-là, il cherche dans tout l’Ontario un Bostonnais de bonne volonté pour aller semer le trouble et la discorde dans ce pays arriéré.

Vous criez bien fort, Messieurs les Orangistes, que vous êtes plus loyaux à l’Angleterre que les Canadiens-français. Où faut-il aller chercher les preuves de votre loyalisme ? Dans les vieilles rosses que vous avez si généreusement vendues aux officiers de la remonte canadienne, au commencement de la guerre ? Dans l’empressement que vous mettez à faire des cent pour cent de profit sur toute commande militaire qui peut vous tomber entre les mains ? Où dans les cris de paon que vous poussez pour faire enrôler les Canadiens-français tout en restant tranquillement chez vous, selon votre bonne habitude ? Pour savoir si les Canadiens-français font leur devoir ou ne le font pas, voyez-vous, il faudrait aller au front. Et, jusqu’ici, vous m’avez l’air d’éviter très soigneusement ces parages dangereux.

Je reconnais d’ailleurs que ce Bostonnisme étroit n’est pas général parmi la population de l’Ontario. Jusqu’à ces dernières années, les dirigeants de cette province avaient même eu l’intelligence de s’en affranchir à peu près complètement. Et, s’il n’a jamais cessé de bouillonner dans les bas-fonds de la population, parmi les représentants du pays il ne trouvait pour s’exprimer que la voix de quelques fanatiques isolés ; il ne pouvait guère s’étaler que dans les colonnes du Globe et de l’Empire, et encore, à jets intermittents. Pour le trouver à l’état chronique, il fallait descendre dans les cavernes profondes où se rédige l’Orange Sentinel.