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LES LANGUES ET LES NATIONALITÉS AU CANADA

Neuve et tous les membres de son conseil. Dites-moi, amis lecteurs, si demain les choses se passaient de la sorte à Terre-Neuve, lequel, du gouvernement canadien ou du gouvernement de Terre-Neuve, serait le rebelle et quel serait le révolutionnaire ?

Eh bien, dans toutes les suppositions précédentes, mettez la Rivière-Rouge à la place de Terre-Neuve ; remplacez la Nouvelle-Écosse par l’Ontario ; donnez le nom de Riel au premier ministre ; et vous aurez l’histoire vraie et authentique de la Rébellion de la Rivière-Rouge ; de la légalité de l’action du gouvernement fédéral et de la légitimité de l’intervention du gouvernement provincial d’Ontario dans une affaire qui ne le regardait nullement.

Je me trompe, cependant. Pour que le cas supposé de Terre-Neuve soit absolument semblable au cas trop réel de la Rivière-Rouge en 1870, il faudrait y ajouter la supposition d’une puissante flotte américaine croisant au large de Terre-Neuve, avec une nombreuse armée de débarquement, qui n’attend qu’un signal pour envahir l’Île et la soustraire à la tyrannie britannique. Car tel fut le cas de la Rivière-Rouge, pendant tout le temps que durèrent les troubles.

Les Américains ne cessèrent d’exciter Riel et les Métis à se révolter franchement contre l’Angleterre. Ils comptaient si bien sur cette révolte, que leur armée se tenait prête à intervenir au premier appel du chef métis. Et, n’en déplaise à nos francophobes, si cet appel s’était produit, non seulement l’expédition de Wolseley ne serait pas revenue de son aventure mais pas un de ses soldats ne serait parvenu à la Rivière-Rouge. Lisez le récit qu’a fait de cette expédition le général Butler. Malgré toutes ses vantardises et sa haine de Riel, qu’on sent percer à chaque ligne, il est évident qu’il se demande pourquoi le chef métis n’a pas attaqué l’expédition dans sa marche, qui, même sans attaque, a été si pénible. Et, plutôt que de reconnaître franchement que cela seul démontre que Riel n’a jamais eu l’intention de combattre sérieusement, il en profite pour railler niaisement l’incompétence militaire du chef métis et de ses lieutenants. On a de la bonne foi ou on n’en a pas. Il est vrai qu’il serait un peu humiliant pour un