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VII
préface

vrai. Mais il y a quelque chose de plus à dire, à l’acquit du gouvernement canadien, de Macdonald et de Cartier.

La Compagnie de la Baie d’Hudson avait, il est vrai, exercé jusque-là les fonctions de gouvernement, mais sous la simple tolérance de la couronne d’Angleterre et sans aucune autorité constitutionnelle définie. Dès 1867, le parlement impérial avait décrété, dans la Constitution qu’il octroyait au Canada, que le gouvernement impérial pourrait, à son loisir, annexer la Terre de Rupert et le Territoire du Nord-Ouest à la Confédération « aux conditions stipulées par le parlement canadien et agréées par la reine » (Art. 146). Le 31 juillet 1868, une autre loi impériale autorisa le cabinet britannique à déterminer avec la Compagnie les conditions de l’abandon de ses droits. Ces conditions furent arrêtées entre la Compagnie et les représentants du gouvernement canadien, en mars 1869, et sanctionnées par un décret de la « Reine en Conseil », le 23 juin 1870.

Dans toutes ces lois, dans tous ces accords, il ne fut jamais question des droits politiques des habitants du pays. Il n’y eut qu’une brève et vague réserve du droit des colons et des tribus indiennes aux terres qu’ils occupaient, et le maintien en fonctions des officiers de justice, tant qu’ils n’auraient pas été remplacés par le gouvernement canadien.

Si, comme l’affirme l’auteur, après plusieurs contemporains dignes de foi, le gouvernement provisoire dont Riel fut le chef, s’organisa « sur instructions venues de Londres, » il faut en conclure que les autorités impériales jouaient un double jeu singulièrement fourbe ; puisque, en même temps, elles donnaient au gouvernement canadien le droit d’exercer dans le pays annexé toute autorité législative et administrative et qu’elles lui prêtaient des officiers et des soldats anglais, pour réprimer dans le sang la résistance du gouvernement provisoire organisé « sur instructions venues de Londres. »

Pour l’honneur de l’Angleterre, j’aime mieux croire que Riel et ses partisans furent trompés par les fonctionnaires de la Compagnie. Donald Smith, futur lord Strathcona, aurait pu en dire long là-dessus. A-t-il emporté son secret dans la tombe ? Il y a là une page passionnante d’histoire. Elle ne pourra s’écrire que le jour où le ministère des Colonies et la Compagnie de la Baie d’Hudson ouvriront toutes grandes leurs armoires secrètes et