Page:Anonyme - Macaire, chanson de geste.djvu/133

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Préface.

respectés nous permettraient encore de suivre la fable imaginée par le poëte de Mantoue, et, jusqu’à un certain point, d’en apprécier les beautés de conception ; mais la pureté du dessin, mais l’éclat du coloris, mais toutes les richesses du pinceau seraient à jamais perdus pour nous ; et quel insensé pourrait songer à les retrouver, à nous les rendre ? Les Églogues et les Géorgiques nous aideraient bien à mesurer la perte, mais non à la réparer. Tout au contraire, pour restaurer un monument littéraire de l’âge auquel appartient la chanson de la Reine Sibile, on peut très-utilement s’aider de l’étude des monuments contemporains.

C’est que Virgile, comme tous les maîtres des grandes époques, avait un style ; c’est que les trouvères n’en avaient point, et que, dans le même temps, ils puisaient tous comme à une source commune les expressions de leurs idées. De là cette conséquence que, lorsque leurs récits sont beaux, c’est par le fond qu’ils valent, bien plus que par la forme, qui fait presque tout le prix de l’Énéide. Aussi la Chanson de Roland, défigurée comme elle l’a été par un jongleur italien, retient-elle encore beaucoup de sa valeur. Aussi l’Iliade aurait-elle bien mieux résisté que l’Énéide à semblable profanation.

Qu’on me pardonne, en un si petit sujet, d’évoquer les grandes ombres d’Homère et de Virgile. C’est le fait d’un fidèle qui, s’en allant prier à la plus modeste chapelle d’une cathédrale, ne laisse pas de fléchir un genou devant le maître-autel.

Il résulte de ce qui précède que ma tentative