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Macaire.

voit estre atteint ne prouvé, fut par le lévrier aidé à la grace de Dieu, tellement que le cas meurtrier vint à la cognoissance de justice, et dont la punition fut faite telle qu’il appartenoit.

Et dit la Cronicque qu’un Chevalier avoit un autre Chevalier à compaignon, et pour ce que le compaignon estoit homme de verité, et de grande vaillance, et de grande renommée, et estoit estimé, aimé et honoré du Roy et des Seigneurs, et avoit avancement devant le Chevalier, ledit Chevalier print telle envie et hayne sur son compaignon, que malicieusement et par orgueil, eux estans en un bois, le Chevalier frappa son compaignon d’une espée par derriere, et l’occit ; et ne se pouvoit ceste chose prouver, car nul ne l’avoit veu que le levrier, qui par paroles ne le pouvoit descouvrir. Le Chevalier meurtry s’appeloit Messire Aubery de Mondidier, et le Chevalier qui le meurtrit s’appelloit Messire Machaire ; et le meurtrit és bois de Bondis pres Paris. Et advint que le meurtrier avoit couvert le Chevalier meurtry de fueilles d’arbres en telle maniere qu’on ne se pouvoit appercevoir de mort. Mais le levrier, qui aimoit son maistre Aubery, demeura aupres du corps, jusques à ce que destresse de faim le fit partir, et venir à la cour du Roy querre sa vie : et si tost qu’il vid marcher le meurtrier de son maistre, il luy courut sus, et ne le pouvoit on recourre qu’il ne l’estranglast ; et tant de fois fit le semblant qu’il mit en suspection le Roy et la Noblesse, que le levrier ne le faisoit pas sans cause et sans aucune signifiance. Et pour ce que le levrier, si tost qu’il avoit mangé son repas, il s’en retournoit vers son maistre trespassé, le Roy le fit suivir par aucun de ses familiers, et trouverent Aubery gisant mort au bois, navré en plusieurs lieux, ramenerent le levrier et firent le rapport au Roy. Le Roy fit prestement assembler son Conseil, et fut déterminé que pour approuver le meurtre et ceste trahison, Machaire combattroit le levrier, qui tant de fois l’avoit assailly ;