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i. - analyse du poème

connu son époux, se montre d’abord très peu disposée à se prêter à cette expérience ; elle s’enfuit dans une abbaye voisine, mais, enfin, on réussit à lui faire savoir qu’il s’agit d’une ruse combinée par Bernier pour la délivrer, et, dès lors, elle manifeste un empressement qui contraste singulièrement avec la répugnance qu’elle avait manifestée tout d’abord. On se rend à la source, et, tandis qu’Herchambaut y fait ses ablutions, attendant que sa femme vienne l’y rejoindre, celle-ci s’enfuit à cheval avec Bernier (tir. cccxvii).

Bernier eut de sa femme un second fils qui fut nommé Henri ; Mais il n’oubliait pas Julien, et, au bout de quelques années, il partit pour l’Espagne dans l’espoir d’obtenir de ses nouvelles. Il se rendit d’abord auprès du roi Corsuble qu’il trouva en guerre avec l’émir de Cordes. Il lui offrit naturellement ses services qui furent acceptés de grand cœur. L’émir de Cordes avait confié son oriflamme à un jeune chevalier nommé Corsabré qui s’était acquis un grand renom de vaillance, et qui n’était point autre que Julien, le fils de Bernier. Le père et le fils se rencontrent dans la mêlée, et c’est le fils qui a le dessous[1]. Le voyant prisonnier, les hommes qu’il était chargé de conduire prennent la fuite, et Corsuble se trouve pour la seconde fois délivré de ses ennemis grâce à la vaillance de Bernier. Aussi, ne mettant point de bornes à sa gratitude, cherchera-t-il à retenir auprès de lui son sauveur, en lui offrant la moitié de son royaume. « Je suis venu pour autre chose », répond

  1. C’est une situation que les auteurs de romans se sont de tout temps plu à introduire dans leurs compositions; voy. P. Meyer, Guillaume de la Barre, p. 27 ; R. Kœhler et G. Paris, Revue critique, 1868, II, 413-4; Romania, VIII, 60.