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Page:Anonyme - Raoul de Cambrai.djvu/61

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introduction


IV. — STYLE, VERSIFICATION ET LANGUE


i. — Première partie du poème.


Si nous possédions Raoul de Cambrai dans sa rédaction originale, celle de Bertolais, ou même sous la forme probablement un peu altérée que connaissait l’auteur de la chronique de Waulsort, aucune chanson de geste n’offrirait une matière aussi riche aux recherches sur la formation de notre ancienne épopée. Nous y verrions comment un jongleur s’y prenait pour traiter un épisode d’histoire contemporaine, dans quelle mesure les faits se transformaient sous sa plume, ou plutôt sur ses lèvres ; nous démêlerions probablement le motif plus ou moins intéressé qui avait guidé son choix, nous réussirions peut-être à découvrir le seigneur ou la famille qui, ayant été mêlé aux événements racontés, a encouragé l’auteur, ou même lui a fourni quelques-uns des éléments de son récit. Peu de chansons de geste, en effet, ont une base historique aussi certaine. Le Roi Gormond seul, peut-être, dont nous n’avons par malheur qu’un fragment, mérite d’être mis, à cet égard, sur la même ligne que Raoul de Cambrai. Au contraire, les poèmes dont l’action se place sous Charlemagne ou sous Louis le Pieux offrent une idée si confuse de l’époque à laquelle ils se réfèrent, la transformation des faits y est si profonde, qu’il semble, même en faisant aussi large que possible la part des remaniements successifs, que les événements historiques en aient été le prétexte bien plutôt que la matière. L’auteur de Rolant, l’auteur des anciens poèmes sur Guillaume au court nez, l’auteur même de Girart de Roussillon