Page:Anonyme - Raoul de Cambrai.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
lxx
introduction

recule pas devant un véritable barbarisme; ainsi mesfai, v. 939, au lieu de mesfaces. Ces faits n’ont rien d’exceptionnel. On les constaterait dans mainte autre chanson de geste. Il n’en est pas moins vrai qu’il est malaisé de déterminer les caractères d’une langue aussi flottante.

Les finales an et en forment en principe des rimes distinctes. Pourtant il faut bien que la différence de son ait été faible, car assez souvent, comme on l’a vu plus haut, ent fait irruption dans des tirades en ant, et réciproquement. Cette circonstance paraît exclure la Picardie et l’Artois, où on a fait beaucoup de chansons de geste, aussi bien que la Normandie, où on en a fait très peu.

Il y a quelques premières personnes du pluriel en omes qui, pour n’être pas à la rime, n’en paraissent pas moins très sûres (vv. 1268, 1291, 2649, etc.). Ces formes, qu’on a crues longtemps picardes[1], paraissent étrangères à la Picardie et à l’Artois[2] ; mais on les rencontre un peu plus à l’est, à partir de Tournai environ[3], toujours dans la région du Nord. À ces deux faits, on en peut ajouter un troisième qui conduit à la même conclusion : l’emploi de la forme veïr (videre), vv. 406, 2258, 4563, qui semble plus usuelle dans le nord de la France qu’ailleurs. Tout cela semble indiquer que le renouveleur appartenait à la région du nord-est. Nous ne saurions préciser davantage.

Nous avons indiqué la fin du xiie siècle comme l’épo-

  1. Diez, Grammaire, trad. II, 107 ; G. Paris, Vie de S. Alexis, p. 119.
  2. Raynaud, Étude sur le dialecte picard, dans Bibl. de l’Éc. des Ch., XXXVII, 345, ou tir. à part, p. 111 ; De Wailly, Observ. grammat. sur des chartes d’Aire, dans Bibl. de l’Éc. des Ch., XXXII, 315-6, ou tir. à part, p. 25-6.
  3. D’Herbomez, Étude sur le dialecte du Tournaisis, p. 125.