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Les aventures

je ne m’attendois pas du tout à trouver aucune provision, que l’eau n’eût entièrement gâtée ; je vidai au plus vîte le tonneau de biscuit, j’en fis plusieurs parts, & je les enveloppai dans des morceaux de voiles, que je taillai précisément pour cela, & enfin je transportait cette charge à terre, avec autant de bonheur que les autres.

Le lendemain je fis un autre voyage ; & comme j’avois dépouillé le vaisseau de tout ce qui étoit portable, & qui se pouvoit soulever aisément, je commençai alors à me mettre après les cables ; je débutai par le plus gros, que je coupai en plusieurs pièces proportionnées à mes forces, tellement que je les pusse remuer ; j’amoncelai deux cables & une hansière, & toute la ferraille que ke pus arracher. Ensuite ayant coupé la vergue de beaupré, & celle de misaine, pour me faire un grand radeau, je mis dessus cette charge lourde & pesante que je venois de me préparer, & je voguai. Mais ici mon bonheur commença à m’abandonner ; car ce radeau étoit si pesant & surchargé, qu’étant entré dans le petit réduit où j’avois débarqués mes autres provisions, & ne pouvant pas les gouverner aussi absolument que j’avois fait les autres, il renversa, & me jeta dans l’eau avec toute ma cargaison. quant à moi, le mal n’étoit pas grand, car j’étois proche de terre ; mais pour ce qui est de ma cargaison, il s’en perdit