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Les aventures

Je me donnai bien du mouvement pour cela, & à la fin j’en attrapai un jeune, que j’abattis d’un coup de bâton ; mais l’ayant relevé, j’eus soin de le mettre dans mon sein, & à force de le dorloter, je le remis & le fortifiai si bien que je l’emportai chez moi. Il se passa quelques années avant que je le pusse faire parler ; mais enfin, je lui appris à m’appeler par mon nom, d’une façon tout-à-fait familière. Il arriva dans la suite un accident, qui n’est au fond qu’une bagatelle, mais qui ne laissera pas de divertir le lecteur, & que je rapporterai en sa place.

Ce voyage me donna beaucoup de plaisir : je trouvai dans les lieux bas des animaux que je prenois les uns pour des lièvres, les autres pour des renards ; mais ils avoient quelque chose de bien différent de tous ceux que j’avois vus jusqu’alors ; & quoique j’en tuasse plusieurs, je ne succombai point à la tentation d’en vouloir manger : aussi n’avois-je pas lieu de rien risquer du côté du manger, puisque j’en avois à foison, & d’une grande bonté, nommément ces trois sortes, des boucs, des pigeons, & des tortues : à quoi, si l’on ajoute mes raisins, je défie tous les marchés de Léaden-Hall de mieux fournir une table que je le pouvois faire, à proportion de la compagnie. Et, si d’un côté mon état étoit assez déplorable, je devois de l’autre m’estimer fort heu-