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de Robinson Crusoé.

on m’auroit pris pour un homme agité par la plus mauvaise conscience, à voir avec quelle crainte je marchois, combien de fois je regardois derrière moi, à me voir de tems en tems poser à terre mon seau à lait, & courir comme s’il s’agissoit de sauver ma vie.

Cependant y ayant été de cette manière-là pendant deux ou trois jours, je devins plus hardi, & je me confirmai dans le sentiment que j’avois été la dupe de mon imagination. Je ne pouvois pas pourtant en être pleinement convaincu avant que de me transporter sur les lieux, & de mesurer le vestige qui m’avoit donné tant d’inquiétude. Dès que je fus dans l’endroit en question, je vis évidemment qu’il n’étoit pas possible que je fusse sorti de ma barque près de-là : qui plus est, je trouvai le vestige dont il s’agit bien plus grand que mon pied, ce qui remplit mon cœur de nouvelles agitations, & mon cerveau de nouvelles vapeurs : un frisson me saisit comme si j’avois eu la fiévre, & je m’en retournai chez moi, persuadé que des hommes étoient descendus sur ce rivage, ou bien que l’île étoit habitée, & que je courois risque d’y être attaqué à l’improviste, sans savoir de quelle manière me précautionner.

Dans quelles bisarres résolutions les hommes ne donnent-ils pas, quand ils sont agités par la crainte ? Cette passion les détourne de se servir