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de Robinson Crusoé.

m’étois échappé autrefois de Barbarie, comme le lecteur a vu ci-devant.

Je mis près de deux mois à funer & à dresser mon mât & mes voiles, & à mettre la dernière main à tout ce qui étoit nécessaire à la barque ; j’y ajoutai un petit étai & une mizaine, pour aider le bâtiment en cas qu’il fût trop emporté par la marée ; &, qui plus est, j’attachai un gouvernail à la poupe, quoique je fusse un assez mauvais charpentier ; comme je savois l’utilité, & même la nécessité de cette pièce, je travaillai avec tant d’application, qu’enfin j’en vins à bout. Mais quand je considère toutes les inventions dont je me servis pour suppléer à ce qui me manquoit, je suis persuadé que le gouvernail seul me coûta autant de peine que toute la barque.

Il s’agissoit alors d’enseigner la manœuvre à mon sauvage : car, quoiqu’il sût parfaitement comment faire aller un canot à force de rames, il étoit fort ignorant dans le maniement d’une voile & d’un gouvernail. Il étoit dans un étonnement inexprimable quand il me voyoit tourner & virer ma barque à ma fantaisie, & les voiles changer & s’enfler du côté où je voulois faire cours. Cependant, un peu d’usage lui rendit toutes ces choses familières, & en peu de tems il devint un parfaitement bon matelot, excepté qu’il me fut impossible de lui faire comprendre la boussole. Ce