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Les aventures

nouveau comme s’il avoit été sûr de lui faire entendre son mauvais Anglois : Quoi, lui dit-il, toi ne pas venir plus loin ? toi prié encore un peu venir ; en même tems il cesse de remuer la branche, & l’ours, comme s’il étoit sensible à son invitation, fait effectivement quelques pas en avant, & aussi souvent qu’il plaisoit à mon drôle de remuer la branche, l’ours trouvoit à propos d’arrêter tout court.

Je crus alors qu’il étoit tems de lui casser la tête ; & pour cette raison de criai à Vendredi de se tenir en repos ; mais il me pria de n’en rien faire, & de lui permettre de le tuer lui-même quand il le voudroit.

Pour abréger l’histoire, mon sauvage dansoit si souvent sur la branche, & l’ours en s’arrêtant se mettoit dans une posture si grotesque, que nous en mourions de rire. Nous ne connoissions pourtant rien dans le dessein de Vendredi : nous avions cru d’abord qu’en remuant la branche il avoit envie de culbuter cette lourde bête du haut en bas ; mais elle étoit trop fine pour s’y laisser attraper, & elle se cramponoit à la branche avec ses quatre griffes d’une telle force, qu’il étoit impossible de la faire tomber, & par conséquent nous avions de la peine à comprendre par quelle plaisanterie l’aventure finiroit.

Vendredi nous tira bientôt d’embarras ; car