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Les aventures

une fille ; mais ma femme étant morte, mon neveu, qui revenoit d’un voyage fort heureux en Espagne, excita par ses importunités mon inclination naturelle de courir, & me persuada de m’embarquer dans son vaisseau, comme un marchand particulier, pour aller négocier aux Indes orientales. J’entrepris ce voyage l’an 1694.

Dans cette course je n’oubliai pas de rendre visite à ma chère île. J’y vis mes successeurs les Espagnols, qui me donnèrent l’histoire entière de leurs aventures, & de celles des scélérats que j’y avois laissés. J’appris de quelle manière ils avoient insulté les Espagnols, & de la nécessité où ces derniers avoient été de les soumettre par force, après avoir vu que c’étoit la seule manière de vivre en repos avec eux. Si on a ajouté à ces circonstances les nouveaux ouvrages qu’ils avoient faits dans l’île, quelques batailles qu’ils avoient été forcés de donner aux sauvages du continent, qui avoient fait plusieurs descentes sur leur rivage, & une entreprise qu’ils avoient exécutée à leur tour sur les terres de leurs ennemis, où ils avoient fait prisonniers cinq hommes & onze gemmes, qui avoient déjà, à mon arrivée, peuplé l’île d’une vingtaine d’enfans : si on rassemble, dis-je, toutes ces particularités, on verra que si leur histoire étoit écrite, elle ne seroit pas moins curieuse que la mienne.