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Les aventures

effet, j’en rapportai cinq livres & neuf onces de poudre d’or pour mon aventure, ce qui me valut à Londres environ trois cens livres sterling. Ce succès m’inspira de vastes projets, qui depuis causèrent ma ruine entière.

Quelque fortuné que je fusse en ce voyage, je n’y fus cependant pas exempt de disgraces. Entre autres choses, j’y étois toujours malade, & j’eus une fiévre ardente, causée par les chaleurs du climat ; car notre principal commerce se faisoit sur une côte qui s’étend depuis le quinzième degré de latitude septentrionnale jusques à la ligne.

Enfin j’étois devenu marchand de Guinée ; mais pour mon malheur, ce bon ami, le capitaine du vaisseau, étoit mort peu de jours après notre arrivée. Néanmoins je me résolus à refaire le même voyage, & me rembarquai sur le même vaisseau avec un homme qui la première fois en avoit été le pilote, &, cette seconde, en avoit le commandement. Jamais navigation ne fut plus malheureuse que celle-ci : car quoique je ne portasse pas avec moi moins de cent pièces de l’argent que j’avois gagné, & que j’en eusse encore laissé deux autres cens entre les mains de la veuve de mon ami défunt, laquelle en usa avec beaucoup d’équité, il ne laissa pas de m’arriver d’étranges malheurs. Le premier fut, qu’en faisant route vers les Canaries, ou plutôt entre ces isles & les côtes d’Afrique, nous fûmes surpris à la pointe du jour par un cor-