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de Milord Céton.

comment ne pas être prolixe lorsqu’on fait le portrait d’une nouvelle conquête ?

Le concert fini, on se mit à table où j’eus encore l’avantage de me trouver placé à côté de mon infante, qui s’empressoit à me faire servir ce qu’il y avoit de plus délicat. Monime qui étoit vis-à-vis, entre Damon & Licidas, examinoit toutes ces minauderies qui l’amusoient au point qu’elle ne songeoit pas à manger. Damon qui s’apperçut de mon air distrait & des agaceries de Cornalise, dit d’un ton plus grave qu’il put prendre, que c’étoit manquer à la politesse qu’on doit au beau sexe, d’affecter ainsi le cruel vis-à-vis d’une belle dame, qui paroissoit n’avoir pas trop le tems d’attendre, & que j’avois l’air de faire le second tome de Tantale. À cette saillie, Monime ne put s’empêcher d’éclater de rire ; ce qui donna le ton à toute la compagnie. Cornalise & moi fûmes d’abord les seuls qui ne fîmes point chorus : je la regardai dans le dessein de lui faire mes excuses sur mon manque d’attention ; mais je la trouvai si risible & si déconcertée, que perdant toute ma gravité, je ne pus m’empêcher de rire à mon tour, avec d’autant plus de force que j’y étois excité par l’exemple. La fureur de Cornalise éclata alors contre moi & contre toute l’assemblée : elle oublia sa dignité, ne respecta ni elle, ni