déesse fait agir sa puissance avec plus d’empire & de force : ils croient que seule elle préside à la distribution des biens & des honneurs ; qu’elle renverse, quand il lui plaît, les villes, les royaumes & les états ; qu’elle les relève, & leur donne une nouvelle vigueur : enfin ils font agir cette déesse, comme un pilote qui conduiroit un navire au gré de son caprice. Les bonnes & les mauvaises réussites lui sont imputées : on les entend la combler tour à tour de louanges, d’injures ou de malédictions.
Cependant, pour honorer cette déesse, les Cilléniens lui ont fait bâtir un temple magnifique : soixante grands-prêtres le desservent, & sont chargés d’adresser chaque jour à la déesse les vœux, l’encens & les offrandes que chaque citoyen vient présenter, pour obtenir quelqu’une de ses faveurs.
Lorsque nous eûmes visité ce qu’il y avoit de plus curieux dans la ville, Zachiel nous proposa d’aller au temple de la fortune. Ce temple est bâti sur le haut d’une montagne escarpée, & semble porter son dôme jusqu’aux nues : soixante colonnes de marbre transparent en soutiennent la voûte : aucune porte ne l’enferme ; mille chemins y conduisent ; mais la plupart de ces chemins sont rabotteux, remplis de précipices, & d’un très-difficile