CHAPITRE IX.
Histoire de Zelime.
Nous nous promenions un jour avec Zachiel
sur les bords du rivage, d’où nous vîmes sortir
d’une petite barque deux femmes, dont l’une,
pâle & défaite, me parut dans une affliction
extrême ; toutes deux prirent la route d’une
sombre caverne, qui ne reçoit du jour que
par l’entrée : ces deux femmes y entrèrent, &
se placèrent sur un lit de gason. Les mouches
ont bien des privilèges ; elles passent par-tout,
sans s’attirer l’attention de personne. Nous nous
plaçâmes Monime & moi à côté de la belle
affligée ; de profonds soupirs sortoient de sa
poitrine, & l’on eût dit qu’elle étoit prête
d’expirer.
Vous verrai-ie toujours, ma chère Zelime, dit sa compagne, en proie à toute l’amertume de votre douleur ? Pourquoi voulez-vous sacrifier le reste de votre vie à pleurer un ingrat qui vous abandonne dans l’excès de vos peines ? Si le perfide vous eût aimée, eût-il cessé de vous voir ? Après la perte de toutes vos espérances, croyez-moi, chère amie, oubliez un volage, qui ne mérite qu’un souverain mépris