CHAPITRE IV.
Nous arrivâmes enfin dans le royaume de Bellonie, gouverné alors par un tyran nommé Tracius. Ce prince, d’un esprit cruel & ambitieux ne se plaisoit que dans le sang & le carnage ; il ne s’occupoit qu’à chercher de nouveaux moyens pour envahir les états de ses voisins, & employer pour y parvenir les plus injustes vexations, tandis que le légitime souverain, exilé, chassé de son royaume, obligé d’errer çà & là dans divers états, gémissoit des maux dont il voyoit ses peuples accablés, & encore de tous ceux auxquels il prévoyoit que sa famille malheureuse alloit être en bute.
Avant d’arriver à la ville capitale, nous fûmes obligés de traverser une grande plaine jonchée de morts & de mourans. Une jeune personne qui par ses soupirs & ses sanglots faisoit voir la douleur dont elle étoit pénétrée, excita notre pitié & nous intéressa en sa faveur.
Monime, toujours remplie de zèle pour les malheureux, fit arrêter notre voiture, en descendit, & lui demanda ce qui pouvoit occasionner la douleur qu’elle faisoit paroître. Hélas !