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de Milord Céton.

souffre ici ni plantes ni arbrisseaux  ; on n’y veut que des fleurs de porcelaine, des fruits de marbre. Je ne vois pas, dis-je, que la folie fût si grande de pouvoir mêler l’utile à l’agréable, & je trouverois fort bon de cueillir un fruit pour me rafraîchir en me promenant. En vérité, mon très-cher, dit Damon, vos raisonnemens sont d’un gaulois qui m’excède, ils révoltent le bon goût : des arbres fruitiers dans un jardin, en cueillir, les manger ! ne vous vantez jamais de ces burlesques idées. Mais vous ne savez donc pas, mon cher milord, que pour être du bon ton, on ne doit estimer que ce qui vient de très-loin, ne seroit-ce même qu’une salade, pour lui trouver plus de goût ; on doit au moins la tirer de plus de cinquante lieues. Vous n’avez pas, à ce qu’il paroît, dit Monime, le plaisir de les manger fraîches. Aussi fraîches que votre teint, belle dame ; c’est l’affaire d’une journée.

Apprenez-moi, demandai-je à Damon, ce qui empêche que vos terres ne soient également cultivées ; j’en ai vu une quantité qui m’ont parues en friche. C’est, dit Damon, que nos paysans ont depuis longtemps senti l’abus où ils étoient autrefois, de se tenir dans leurs villages pour y travailler à la sueur de leur corps, sans pouvoir profiter du fruit de leurs travaux, tandis qu’en se produisant dans les villes, ils sont pres-