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de Robinson Crusoé.

ou six canots pleins de sauvages abordèrent sans doute dans la vue ordinaire de faire quelque festin. Cet accident étoit devenu si familier à la colonie, qu’elle ne s’en mettoit plus en peine, & qu’elle ne songeoit qu’à se tenir cachée, persuadée que, si elle n’étoit pas découverte par les sauvages, ils se rembarqueroient dès qu’ils auroient mangé leurs provisions, puisqu’ils n’avoient pas la moindre idée des habitans de l’île. Celui qui avoit fait une pareille découverte se contentoit d’en donner avis à toutes les différentes plantations, afin qu’on se tînt clos & couvert en plaçant seulement une sentinelle pour les avertir du rembarquement des sauvages.

Ces mesures étoient justes, sans doute : mais un désastre imprévu les rendit inutiles, & faillit être la ruine de toute la colonie, en la découvrant aux barbares. Dès que les canots des sauvages eurent remis en mer, les Espagnols sortirent de leurs niches, & quelques-un d’entre eux eurent la curiosité d’aller examiner le lieu du festin. À leur grand étonnement, ils y trouvèrent trois sauvages étendues à terre, & ensevelis dans un profond sommeil ; apparemment ils s’étoien tellement remplis de leurs mets horribles, qu’ils s’étoient mis à dormir comme des bêtes, sans vouloir se lever lorsque leurs compagnons avoient