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de Robinson Crusoé.

pourtant de croire absolument véritables, jusqu’à ce que je fusse pleinement convaincu du contraire. J’avois rêvé en même tems que, sensible aux accusations des Espagnols, j’examinois ces scélérats, & je les condamnois à être pendus tous trois. On verra en son lieu ce qu’il y avoit de réel dans cette vision ; mais quelle que fût la cause qui me l’offrit à l’imagination, elle n’approchoit que trop de la vérité, quoiqu’elle ne fût pas vraie en tout au pied de la lettre, & la conduite de ces diable incarnés avoit été tellement abominable que, si à mon retour dans l’île je les avois fait punir de mort, je leur aurois fait justice, sans pouvoir passer pour criminel, ni devant Dieu, ni devant les hommes.

Quoi qu’il en soit, je vécus plusieurs années dans cette situation, sans trouver le moindre agrément, le moindre plaisir en aucune chose, à moins qu’elle n’eût quelque relations à mon bisarre penchant. Mon épouse voyant avec quelle impétuosité toutes mes idées me portoient vers des projets si déraisonnables, me dit une nuit, qu’à son avis ces mouvemens irrésistibles venoient de la providence, qui avoit déterminé mon retour dans cette île, & qu’elle ne voyoit rien qui pût m’en détourner que ma tendresse pour elle & pour mes enfans ; qu’elle étoit sûre que, si elle venoit à mourir, je prendrois ce parti sans balancer ; mais