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de Robinson Crusoé.

étoient pour le bien de ma postérité. Je ne songeois plus à reprendre le cours de ma vie errante, & me trouvant exempt de tout chagrin, je croyois véritablement avoir attrapé cette heureuse médiocrité, dont mon père m’avoit si souvent fait l’éloge. Les douceurs que je goûtois alors dans la vie, me rappeloient souvent dans l’esprit ces vers d’un poëte :

Éloigné des cours & des vices,
Ici, du siécle d’or, je trouve le destin.
La jeunesse en nos champs est libre de caprices,
Et la vieillesse est sans chagrin.

Je fus troublé dans cette félicité par un seul coup imprévu de la providence, dont son-seulement le funeste effet étoit irrémédiable, mais dont les conséquences encore me replongèrent dans mes fantaisies plus profondément que jamais. Cette funeste disposition à courir le monde ressembloit chez moi à une maladie qui est dans le sang, & qui, retenue pendant quelque tems par les remèdes, s’empare du corps avec une violence irrésistible. Le coup dont je parle étoit la perte de mon épouse.

Mon but n’est pas ici de faire son panégyrique, d’entrer dans le détail de ses bonnes qualités, & de faire la cour au beau sexe, en composant une harangue à l’honneur de ma femme. Je dirai seu-