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de Robinson Crusoé.

Je pris encore un verre d’eau avec du sucre ; mais mon estomach incapable de retenir cette douceur, rendit le tout dans le moment même ; ce qui me fit prendre de l’eau pure qui me resta dans le corps. Là-dessus je me mis au lit, en priant dieu de toute mon ame, qu’il lui plût de me délivrer d’une vie si malheureuse ; & me tranquillisant par l’espérance d’être bientôt exaucée, je parvins à sommeiller pendant quelque tems. M’étant réveillée, je me crus mourante, ayant la tête toute accablée par les vapeurs qui s’élevoient de mon estomach vide. Je recommandai alors mon ame à dieu, en souhaitant fort que quelqu’un abrégeât mes souffrances, & me jetât dans la mer.

Pendant tout ce tems, ma maîtresse étoit couchée auprès de moi, comme une personne expirante ; mais elle soutint sa misère avec plus de courage & de patience que moi ; &, dans cet état, elle donna sa dernière bouchée de pain à son fils, qui ne voulut la prendre qu’après des ordres redoublés de sa mère, & je suis persuadée que ce peu de nourriture lui a sauvé la vie.

Vers le matin, je me rendormis, & mon sommeil étant dissipé de nouveau, je sentis une envie extraordinaire de pleurer, qui fut suivie par un autre violent accès de faim. Je me levai toute furieuse, & dans le plus déplorable état qu’on