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Les aventures

& de moutons déséchées, à la porte de laquelle j’apperçus trois hommes que je ne pouvois prendre que pour des bouchers. Ils avoient de grands coûteaux à la main, & je vis au milieu de cette tentes trois moutons & un jeune taureau égorgés. Il y a de l’apparence que c’étoient des victimes immolées à ces monstres de bois, que ces trois barbares étoient les prêtres & les sacrificateurs, & que les dix-sept que j’avois interrompus dans leur enthousiasme dévot, étoient ceux qui avoient apporté les victimes, pour se rendre leur Dieu favorable.

J’avoue que la grossièreté de leur idolâtrie me choqua plus qu’aucune autre chose de cette nature que j’aie vue de ma vie. J’étois mortifié au suprême degré, de voir la plus excellente créature de Dieu, à qui, par la création, il a donné de si grands avantages sur les autres animaux, à qui il a donné une ame raisonnable, capable d’adorer son créateur, & de s’en attirer les faveurs les plus glorieuses, s’abâtardir assez pour se prosterner devant un rien, qu’il a rendu lui-même terrible. J’étois accablé de douleur en considérant ce culte indigne, comme un pur effet d’ignorance, changé par le démon lui-même en une dévotion infernale, pour s’approprier un hommage, & une adoration qu’il envie à la divinité, à qui seule elle appartient.