Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 2.djvu/481

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gîtes dans les garnisons russiennes ; mais que je pourrois camper toutes les nuits où je voudrais ; que, de cette manière, je pouvois facilement le conduire à Archangel, le mettre en sûreté à bord d’un vaisseau anglois ou hollandois, & le mener avec moi dans des pays où personne ne songeroit à le poursuivre. Je l’assurai, en même tems, que j’aurois soin de lui fournir, pendant tout le voyage, tout ce dont il auroit besoin, jusqu’à ce qu’il fût en état de subsister par lui-même.

Il m’écouta avec grande attention, & pendant tout le tems que je parlois, il me regarda fixement ; je pus voir même par son air, que ce que je lui disois le mettoit dans la plus violente agitation. Sa couleur changeoit à tout moment, ses yeux paroissoient tantôt vifs, tantôt éteitns, & son cœur sembloit flotter entre plusieurs passions opposées. Il ne fut pas d’abord en état de me répondre. S’étant enfin un peu remis ; état maleheureux ? s’écria-t-il, que celui des pauvres mortels, quand ils ne se précautionnent pas, avec toute l’attention possible, contre tous les dangers qui me nacent leur foible vertu ! Les actes de l’amitié la plus sincère peuvent devenir pour eux des pièges, & avec la meilleure intention du monde ils deviennent les tentateurs les uns des autres. Mon cher ami, continua-t-il, d’un air plus calma, il